Un séminaire consacré à
la cause animale, proposé par Érik Bullot, a été ouvert cette année. Il nous a
semblé intéressant de présenter certains travaux réalisés par ses participants
et de proposer une programmation de courts films pour ouvrir à un moment de
rencontre au sein de l’école.
À l’heure où l’éthique
animale connaît en France une reconnaissance académique, où la question animale
est très présente dans le champ de l’art contemporain, comme en témoigna la
dernière Documenta, nous aimerions partager avec vous certains de nos
questionnements. Quelle est la place et la fonction d’un séminaire sur la cause
animale dans une école d’art ? Quelle est la nature de notre relation à
l’animal ? Pourquoi sommes-nous, pour la plupart d’entre nous,
végétariens ? Vos questions seront les bienvenues.
• 10h-18h. Accrochage
• 14h. Programme de films
Le Vampire, Jean Painlevé, 1945, 9 min
Mothlight, Stan Brakhage, 1963, 4 min
Le Préparateur, Noëlle Pujol, 2006, 37 min
Berlin Horse, Malcolm Le Grice, 1970, 6 min
Le Merle, Norman McLaren, 1958, 5 min
• 15h. Rencontre avec les
participants du séminaire
Monday, April 29, 2013
Le retour du malin: un compte équestre
Hans en 1910
A l'aube du XXème siècle, Hans, un bel étalon, avait fait sensation grâce à sa capacité à "compter": lorsqu'un individu, et tout particulièrement son maître Whilhelm Von Osten, énonçait un chiffre, il produisait un nombre de coups de sabots correspondant. Hans était-il doté d'une "intelligence" conceptuelle lui permettant de compter? Une commission de spécialistes, dont l'éminent professeur de psychologie Carl Stumpf, se réunit à Berlin pour émettre un verdict à ce sujet. Elle arriva à la conclusion qu'il n'y avait ni "truc", ni "duperie" dans les prouesses de Hans. Toutefois, un nouveau protagoniste, Oskar Pfungst, assistant de Stumpf, entrera en scène et qualifiera ces conclusions. Pfungst soumettra Hans à une batterie d'expériences ingénieuses visant à départager les différents facteurs susceptibles d'expliquer les prouesses de Hans. Par exemple, il lui fera compter dans l'obscurité (avec des oeillères). Ou il demandera au questionneur de se retirer après avoir énoncé le nombre cible (annonçant la technique du "double aveugle").
A l'issue de ces travaux, Pfungst rejettera l'hypothèse de compétences arithmétiques. Il conclura que le cheval se fonde sur des mouvements involontaires du questionneur, alors que celui-ci s'approchait du nombre fatidique. En inclinant très légèrement la tête, le questionneur faisait "taper" Hans. En revanche, lorsqu'il se redressait, Hans s'arrêtait de taper. Le questionneur n'était nullement conscient de ces mouvements et de leur influence sur Hans. Imitant Hans en tapant lui aussi du pied, Pfungst parviendra même à deviner le nombre auquel pense le questionneur en observant ces mêmes mouvements.
Hans & Oskar Pfungst
L'histoire de Hans revêt quasiment le statut d'une parabole biblique dans la psychologie expérimentale actuelle. Quel message en retire-t-on?
- Tout d'abord, elle illustre le rôle de la psychologie expérimentale, et de sa rigueur méthodologique, dans une forme de "désenchantement". Il y a ici une opposition implicite entre le sensationnel (un cheval sachant compter) et un comportement apparemment ordinaire (détecter les mouvements d'un questionneur). De ce point de vue, Pfungst s'inscrit dans la même démarche que les expérimentalistes sceptiques qui démasquent les "faux" télépathes, voyants et autres médiums.
- D'autre part, elle met en lumière un aspect particulier de la procédure expérimentale: le rôle du "questionneur" (qui deviendra "expérimentateur") dans la production des résultats qu'il attend. L'expérimentateur apparaît alors comme un facteur de "biais" qu'il faut contrôler comme les autres. Si un résultat est produit par les attentes de l'expérimentateur plutôt que par des processus internes au sujet lui-même, il perd tout son intérêt. A ce titre, cette histoire est citée dans de nombreux manuels de méthodologie expérimentale comme contre-exemple.
Dans un billet précédent, j'évoque précisément une recherche dans laquelle nous avons essayé de reproduire une expérience célèbre menée il y a une quinzaine d'années aux Etats-Unis. Nous n'y sommes parvenus que lorsque l'expérimentateur s'attendait à observer les mêmes résultats que les auteurs de l'étude originale. Comme je l'ai écrit par ailleurs, le premier auteur de cette étude a réagi de façon très négative à notre article. En particulier, dans un second billet, il s'est montré fort aigri suite à l'allusion d'un internaute à "Hans le malin" en réponse à son premier billet dénonçant notre travail. Evoquer Hans fait en effet figure d'insulte dans la psychologie expérimentale d'aujourd'hui. Elle revient à accuser le responsable de l'étude visée de manque de rigueur méthodologique. Un autre collègue américain m'a également signalé que nous (les coauteurs de la réplication) avions à présent la réputation d'avoir invoqué Hans pour dénigrer l'étude originale (ce que nous n'avons jamais fait). Comme s'il s'agissait de l'injure suprême.
Cet épisode m'a conduit à relire l'ouvrage de Vinciane Despret, Hans, le cheval qui savait compter.Vinciane Despret est philosophe et psychologue (elle enseigne à l'Université de Liège et à l'ULB). Son travail se distingue par un intérêt particulier pour la construction des savoirs en psychologie et plus particulièrement en psychologie animale, disciplines qu'elle aborde sous l'angle d'une philosophe des sciences.
Le cas de Hans est intéressant dans cette perspective car il se situe à une époque de transition pour la psychologie expérimentale. La discipline, fondée à la fin du XIXème siècle, recourt alors à des "expérimentateurs/sujets" qui scrutent leur propres réactions (souvent à travers l'introspection) pour dégager des conclusions sur le fonctionnement humain. Lorsque les sujets ne se confondaient pas avec l'expérimentateur, ils se devaient d'être des personnes expertes dans le domaine. Ainsi, un des fondateurs de la psychologie expérimentale de la mémoire, Hermann Ebbinghaus s'employait à mémoriser lui-même des listes de syllabes sans signification et en tirait des conclusions quant au fonctionnement de la mémoire humaine. Dans d'autres cas de figure, ce sont des "assistants" ou des collègues qui servent de cobayes pour l'expérimentateur. Leur expertise garantissait la crédibilité des observations effectuées. Il fallait avoir confiance en le sujet d'expérience pour espérer produire des résultats pertinents.
Avec le behaviorisme, qui apparaît dans les années 20, se cristallisera l'opposition entre l'expérimentateur (qui sait) et le sujet interchangeable et ignorant. Ce dernier est envisagé comme "passif": on examine ses "réactions" (plutôt que ses actions) aux facteurs manipulés par l'expérimentateur. On le trompe même parfois sur l'objet de l'expérience. Ce modèle restera dominant même après la disparition du béhaviorisme ou dans des sous-disciplines peu influencées par ce courant, comme la psychologie sociale (pensons par exemple à l'étude deMilgram).
Pfungst, en introduisant Hans dans le laboratoire, l'inscrit donc dans ce passage:
"(Pfungst) fait passer Hans de l'animal qui répond à l'animal qui réagit. La réaction est au coeur de cette affaire, c'est elle la véritable transformation qui annonce que les vivants, comme les objets de ces sciences qui font rêver les psychologues, vont enfin se soumettre aux lois qui régissent l'univers" (p. 123).
Selon Despret, lorsqu'il a été pris en main par Pfungst, Hans est entré en psychologie. A la lumière de ce cas, elle nous révèle également ce que cette transition implique pour la compréhension du fonctionnement humain par la psychologie expérimentale.
En psychologie, le sujet d'expérience n'a généralement pas d'histoire. On le conçoit comme doté d'une psychologie stable et immuable. Or, affirme Despret, Pfungst a changé Hans. A travers son dispositif expérimental, il l'a transformé en une sorte de robot réagissant mécaniquement aux stimulations que lui-même produit. Il l'a également réduit en considérant chacune de ses réactions séparément: Hans apparaît comme un agrégat de canaux sensoriels et perceptifs plutôt que comme un être singulier et "total" (en ce sens, il est victime d'une sorte d'objectivation). Depret illustre ceci très bien en commentant les expériences dans lesquelles Hans devait répondre dans l'obscurité (et n'y parvenait pas). Cela signifiait, selon Pfungst, que ses bonnes réponsesdépendaient de l'utilisation de canaux visuels. En ceci, il est fidèle à la logique de l'expérimentation. Mais, rétorque Depret, cela ne signifie pas que, lorsqu'il ne fait pas noir, il utiliseuniquement ces canaux visuels. Peut-être ses performances plus faibles sont-elles dues à la surprise que crée cette obscurité et non au fait qu'un unique canal sensoriel ait été obstrué. Du reste, dans sa période post-Pfungst, il parviendra même à répondre dans le noir. Et Pfungst lui-même montrera que les indices auditifs sont également employés par Hans, en sus des indices visuels.
De nombreux questionneurs, et pas seulement Von Osten, parviennent à susciter de bonnes réponses chez Hans. C'est là un des aspects les plus troublants du phénomène. Tous les questionneurs "efficaces" manifestent les mêmes mouvements involontaires. Comment expliquer ce "consensus"? S'agit-il d'un code gestuel "culturellement partagé" chez les Allemands du début du début du XXème siècle? Voire, à l'inverse, de mouvements programmés génétiquement? Une autre possibilité, plus stimulante, est concevable: cette uniformité dépendrait du comportement de Hans lui-même. Il exercerait une influence uniforme sur ses questionneurs, ce qui expliquerait leurs similarités de comportement. Cette idée que le cheval et son questionneur s'influencent mutuellement et changent donc au cours de leurs interactions (ici, dans le cadre expérimental) rejoint un des thèmes centraux dans l'ouvrage précédent de Despret, Quand le loup cohabiteraavec l'agneau. On y trouve de nombreux exemples de ce type d'influences mutuelles entre animaux et humains.
Dans le cadre d'un paradigme expérimental, le sujet (Hans) ne peut être envisagé que comme un être passif. Ceci amène Pfungst à oblitérer la possibilité que Hans influence ceux qui l'interrogent: il ne fait pas qu'enregistrer des signes; il contribue également à les produire à travers un jeu d'ajustements réciproques qui se marient difficilement avec la logique expérimentale en plein essor.
Selon Despret, le cas de Hans révèle comment la méthode expérimentale a perverti le rapport du chercheur à son objet:
"elle est devenue une technique qui définit la relation à ses objets dans le seul registre du contrôle. Ce faisant, elle a simplement voulu oublier ce qui définit la singularité (…) de l'expérience interrogeant le vivant: c'est une situation sociale dans laquelle le fait de "s'accorder" ou de ne pas le faire n'est jamais indifférent" (p. 73).
L'accord du sujet avec ce qu'en attend l'expérimentateur, loin d'être un "parasite" dissimulant le "véritable" phénomène, reflète la capacité du sujet à entrer en relation avec l'autre. Dans le cas de Hans, Despret va jusqu'à dire qu'il "a acquis ce qui compte pour rentrer dans la communauté humaine" (p. 73).
Despret nous propose également une réflexion stimulante sur "l'insu": cette précaution méthodologique "élémentaire" selon laquelle le sujet ne peut rien savoir des hypothèses de l'expérience. S'il les connaît, on pourra attribuer les résultats à sa bonne volonté plutôt qu'au processus supposé produire l'effet attendu. La démarche expérimentale se fondera donc sur uneméfiance vis-à-vis du sujet. Paradoxalement, cette méfiance se couple à une confiance de la part de ce dernier, qui accepte de se plier aux tâches les plus absurdes, voire les plus humiliantes (pensons encore à Milgram) sachant qu'il est dans "une expérience scientifique". Ceci mènerait à une sorte de clivage chez les sujets: ils laissent leurs doutes et ce dont ils se doutent à la lisière de la conscience. Mais cela ne les fait pas moins agir. De telle sorte que leur comportement peut malgré tout révéler une volonté d'aider l'expérimentateur, à leur propre insu. L'insu appauvrit dès lors l'interprétation: on se prive d'explorer avec les sujets ce qui a produit leur comportement. Cette critique s'inscrit dans une remise en cause de la logique positiviste qui gouverne la psychologie expérimentale: il ne s'agit pas de savoir, pour Despret, ce qui est "vrai" ou "non" mais de poser les bonnes questions. En cachant l'objet de la recherche au sujet, on s'en prive en partie:
"Nul besoin de contraste entre le 'su' et 'l'insu' si la recherche se définit d'abord comme création de bonnes questions: la psychologie se définirait alors comme science des compétences, et les dispositifs comme lieux d'exploration et de création de ce dont les humains peuvent être capables quand on les traite avec la confiance qu'on accorde aux experts" (p. 103)
Cette réflexion m'a fait penser au "perspectivisme" développé par le psychologue social William McGuire. Dans ses travaux, celui-ci posait qu'il était moins intéressant de savoir si une hypothèse était vraie ou non (cela aboutit à des questionnements souvent stériles et à des conclusions peu originales, ce qu'il appelle la bubbapsychogy - psychologie "DA-DA") que de savoir de quel point vue elle était vraie ou fausse. Ainsi, si on part d'une hypothèse qui peut sembler banale et inintéressante (par exemple, "on est davantage attiré par une personne similaire à soi que différente"), on peut se demander:
- Dans quelle condition son opposé est vrai. Par exemple, dans quels cas est-on attiré par une personne différente de nous? - Ou: jusqu'à quel degré est-elle est vraie. Par exemple, à partir de quel niveau de similarité devient-elle fausse? Serait-on attiré par une personne en tous points semblables à nous? Si oui, pourquoi? - Ou encore: quels sont les types ou les catégories de similarité (par exemple, physique, de personnalité, sociologiques, etc.) et dans quelle mesure chacune des hypothèses précédentes s'applique-t-elle à chacun de ces types de similarités.
Sans aboutir à des vérités immuables, ce type de démarche nous amène à réellement enrichir notre appréhension du phénomène et des processus susceptible d'intervenir dans sa production.
Mais revenons à Hans. Par certains aspects, la démarche de Pfungst reste encore ancrée dans la psychologie du XIXème siècle. Il en est ainsi dans son recours à des questionneurs "de talent". Car, n'importe qui ne peut pas questionner Hans. Ce choix renvoie à la figure du sujet/expert évoquée précédemment. Aujourd'hui, on attend d'un sujet qu'il soit interchangeable avec un autre. Affirmer que des résultats sont dus à des sujets "de talent" renverrait immédiatement du discrédit sur ces résultats. Comme si un élément "magique" était responsable de ces résultats.
L'approche de Pfungst se caractérise par une volonté de contrôle du contexte afin de mettre en évidence l'intelligence "réelle" de Hans, indépendamment de facteurs contextuels (comme les mouvements du questionneur). La vision de l'intelligence, ou de la compétence arithmétique, sous-jacente est donc celle d'une capacité abstraite, intra-individuelle, susceptibles de s'actualiser dans une infinité de contextes. C'est la vision des mathématiques qu'on enseigne (le plus souvent) à l'école et qui permettra à chaque petit bambin de compter où qu'il soit. Lorsque, toutefois, on envisage les compétences mathématiques d'individus non ou peu scolarisés, on constate que celles-ci sont parfois présentes, mais intimement liées au contexte dans lequel elles s'actualisent. Par exemple, Jean Lave (1977) s'est intéressée aux compétences mathématiques de tailleurs et apprentis tailleurs au Libéria. Ceux-ci devaient effectuer des problèmes arithmétiques. Certains correspondaient aux types de problèmes posés dans un contexte scolaire et d'autres, à ceux rencontrés dans leur métier. Ces deux types de problèmes avaient la même structure et pouvaient être résolus grâce aux mêmes raisonnements. Lave constate que la performance à ces deux tâches dépend de facteurs distincts: le nombre d'années de scolarité dans le premier cas; les années d'expérience dans le second. En d'autres termes, la définition de l'intelligence, qu'elle soit humaine ou animale, se fonde sur une interaction avec l'environnement social particulier.
Du point de vue d'un cheval domestiqué, l'interaction avec les humains est une question de survie. Etre en mesure de détecter des signaux humains complexes est dès lors particulièrement important. Pouvoir le faire visuellement alors que la plupart de ses congénères utilisent des sensations musculaires ou sensori-motrices (pression des rênes, appui des talons sur les flancs,…) reflète une forme "d'abstraction" qui semble déjà assez remarquable. En souhaitant extraire Hans du contexte dans lequel ses compétences peuvent s'actualiser, Pfungst s'interdit donc de les appréhender. En un sens, les compétences dont fait preuve Hans ne sont pas moins extraordinaires que "de savoir compter" (ce qui est relativement peu utile à un cheval). En croyant "démystifier" un phénomène, Pfungst le rend finalement plus fascinant encore.
Cette vision de l'expérimentation, abstraite du contexte, est restée dominante en psychologie expérimentale jusqu'à aujourd'hui. Elle a récemment fait l'objet de propositions alternatives sous la forme du mouvement de la "cognition située" qui accorde précisément une place détermine au contexte dans lequel se déroule le comportement. Un exemple de ce type d'approche réside dans une recherche de Sinclair et Kunda dans laquelle des étudiants sont amenés à répondre à un test de "compétences interpersonnelles". Ensuite, un comparse de l'expérimentateur leur fait part de son évaluation de leur performance qui peut être soit positive, soit négative. Cette évaluation est en fait déterminée aléatoirement. Ce comparse appartient à deux catégories sociales aux stéréotypes sociaux opposés: afro-américain (stéréotypé comme pauvre et peu intelligent) et médecin (stéréotypé comme riche et intelligent). Sinclair et Kunda ont constaté que les sujets pensaient spontanément au stéréotype positif lorsqu'ils étaient félicités et au stéréotype négatif lorsqu'ils étaient critiqués. Plus précisément, ils réagissaient moins rapidement à des mots stéréotypiques des noirs lorsqu'ils recevaient des compliments que des critiques négatives de la part d'un médecin noir. (cf. ci-dessous).
Pour les mots caractéristiques des médecins, c'est l'inverse: lorsque le médecin noir fait des compliments, on réagit plus rapidement que lorsqu'ils émet des critiques négatives. Ceci ne se produit pas lorsque ces commentaires proviennent d'un médecin blanc.
Ceci ne se produit pas lorsque le sujet se contente d'observer le médecin noir critiquer ou féliciter un tiers. Il semblerait donc que l'implication du sujet dans la situation, et la motivation qui y est associée (croire aux compliments et rejeter les critiques) aient déclenché un processus que l'on croyait automatique et indépendant du contexte: l' "activation" des stéréotypes sociaux. Depuis une dizaine d'années, des travaux de ce type se multiplient (voir Smith & Semin, 2004).
En revanche, les implications méthodologiques de ce type d'approche n'ont pas nécessairement été prises en compte. Comme le souligne Despret, l'expérience est une situation sociale. Elle prend place dans une institution, implique des interactions avec un expérimentateur, voire avec d'autres personnes, recourt (généralement) au langage, etc. Si on veut étudier la "cognition" comme une réponse au contexte social à travers des études expérimentales, il importe donc de prendre en compte le contexte de l'expérience lui-même. Les suites de notre tentative de réplication révèlent combien ce type de démarche, pour rare qu'elle soit, peut encore être mal perçue.
Références
Despret, V. (2004). Hans, le cheval qui savait compter. Paris: Les Empêcheurs de Tourner en Rond
Lave, J. (1977). Cognitive Consequences of Traditional Apprenticeship Learning in Western Africa. Anthropology and Education, 8, 177-180.
McGuire, W. J. (1997). Going beyond the banalities of bubbapsychology: A perspectivist social psychology. In C. McGarty & S. A. Haslam (Eds.) The message of social psychology : Perspectives on mindin society (pp. 221±237). Oxford: Blackwell.
Sinclair, L., & Kunda, Z. (1999). Reactions to a Black professional: Motivated inhibition and activation of conflicting stereotypes. Journal of Personality and Social Psychology, 77, 885–904.
Smith, E.R., & Semin, G.R. (2004). Socially situated cognition: Cognition in its social context.Advances in Experimental Social Psychology, 36, 53–117.
Si le paon mâle fait la roue pour impressionner la femelle convoitée, il n'est pas rare de voir des males s'entretuer pour les beaux yeux d'une femelle : de nombreuses caractéristiques appariassent alors selon les espèces animales, traduisant un certain protocole de séduction qui règne les relations entre sexes. Par plaisir ou pour féconder une femelle, les mâles doivent ruser afin de se reproduire : l'exposition traitera ainsi de la phase de séduction dans un premier temps, avant de se pencher sur l'acte sexuel en lui-même dans une seconde... Cette exposition au Palais de la Découverte, à travers ce tour d'horizon de la sexualité, soulèvera bien des questions quant à nos modes de vie, les normes que la sociétés nous a transmit et permettront de mieux appréhender la vie sexuelle désabusée par la société actuelle.
source : http://www.sortiraparis.com/arts-culture/exposition/articles/55079-exposition-betes-de-sexe-au-palais-de-la-decouverte
Filmer la cruauté envers les animaux, un crime aux Etats-Unis
Le Monde.fr
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• Mis à jour le
Par Audrey Garric
Sur une vidéo filmée en caméra cachée, des ouvriers agricoles brûlent les chevilles de chevaux du Tennessee avec des produits chimiques. Une autre montre des éleveurs dans le Wyoming donner des coups de poings et de pieds à des porcs et porcelets, les bousculer ou les jeter en l'air. Et chez l'un des principaux fournisseurs d'œufs du pays, on découvre
des poules en cage aux côtés de cadavres en décomposition d'oiseaux,
tandis que des ouvriers brûlent et cassent le bec de poussins.
Ces films d'une cruauté extrême, réalisés au cours des deux dernières
années par des militants de la cause animale, essentiellement Mercy for Animals, The Humane Society of the United States et PETA
(People for the Ethical Treatment of Animals), ont choqué l'opinion
publique et entraîné une réaction rapide : le dresseur de chevaux du
Tennessee a été reconnu coupable d'avoir
enfreint la loi. Des autorités locales du Wyoming ont inculpé neuf
ouvriers agricoles de cruauté envers les animaux. Et le fournisseur
d'oeufs a perdu l'un de ses plus gros clients, la chaîne de restauration
McDonald. "LOIS BÂILLONS"
Pourtant, depuis quelques mois, une douzaine d'Etats américains ont
proposé ou adopté des lois criminalisant la dénonciation de ces
pratiques dans les élevages et abattoirs. Avec quelques différences
selon les Etats, ces législations interdisent de filmer ou de prendre des photos secrètement au sein de fermes d'élevage et de postuler pour un emploi dans l'un de ces établissements sans divulguer des liens avec des groupes de défense
des animaux – un délit punissable d'un an d'emprisonnement et de 1 500
dollars d'amende en Utah. Elles contraignent aussi les ONG à livrer les vidéos
dénonçant des abus aux autorités dans les 24 ou 48 heures qui suivent
leur réalisation. Le plus extrême de ces textes, en Arkansas, va même
jusqu'à proposer d'interdire à quiconque d'autre que les autorités d'enquêter sur les animaux.
La plupart de ces projets de loi punissent non seulement les militants qui prennent des photos et des films, mais aussi les médias et les organisations de défense des droits des animaux qui diffusent les documents.
Ces futures lois, surnommées "agriculture bâillonnée" ("ag-gag" en
anglais), sont actuellement débattues dans les Etats de l'Arkansas, la
Californie, l'Indiana, le Nebraska, la Pennsylvanie, le Tennessee et le
Vermont. Elles ont d'ores et déjà été votées dans l'Iowa, l'Utah et le
Missouri, à la fin de l'année dernière. Dans le New Hampshire, le Nouveau-Mexique
et le Wyoming, par contre, leur examen a été reporté en raison de
l'opposition des défenseurs des droits des animaux, mais également des
organismes veillant sur la sûreté sanitaire, comme le Food and Water Watch. THINK-TANK CONSERVATEUR
Selon le New York Times, ces tentatives de l'industrie de l'élevage de mettre fin aux enquêtes dans leurs enclos ont en partie été chapeautées par l'American Legislative Council
(ALEC), un think-tank conservateur connu pour ses travaux législatifs
controversés – comme la loi "Stand your Ground" ("Défends-toi") qui
autorise tout citoyen à utiliser la force, quitte à tuer, s'il se sent menacé. Cet organisme avait aussi proposé le premier texte en matière de bien-être animal, en 2002, le Animal and Ecological Terrorism Act (AETA), qui interdisait de pénétrer "dans une ferme pour prendre des photos ou vidéos avec l'intention de porter atteinte à l'image de l'établissement ou de son propriétaire", les contrevenants se voyant placer sur un "registre terroriste".
Plusieurs législateurs des récentes lois "ag-gag" sont liés à l'industrie agro-alimentaire et l'ALEC, confirme le journaliste d'investigation indépendant Will Potter. "Ces lois ne portent aucune trace de leurs auteurs, et il est impossible de savoir
si elles proviennent de l'ALEC, mais cet organisme fait sans aucun
doute partie du contexte général qui a permis de les promulguer", affirme l'enquêteur. "DROIT DE SAVOIR"
Selon les représentants des firmes d'élevage, ces tournages, dont ils
mettent en cause l'honnêteté, nuisent injustement à la réputation de la
filière. "C'est aussi une question de droits à la propriété et à la vie privée, estime, dans les colonnes d'Associated Press, Bill Meierling, porte-parole de l'ALEC.Vous ne voudriez pas que je vienne dans votre maison avec une caméra cachée." "Ces projets de loi pourraient créer un précédent dangereux dans
le pays en fermant les portes de fermes d'élevage industriel et en
permettant aux abus d'animaux, aux atteintes à l'environnement, et à la
contamination de la nourriture de passer inaperçus", rétorque Nathan Runkle, directeur exécutif de Mercy for Animals, interrogé par ABC. Car pour les ONG, les agences officielles, dont le nombre d'inspecteurs est réduit par les coupes budgétaires, nedisposent pas de ressourcessuffisantes pour empêcher l'ensemble des cas de maltraitance animale et de manquements aux normes sanitaires. "Les fermes industrielles, comme toutes les maisons et entreprises, sont déjà protégées par la loi contre les intrusions. Les lois "ag-gag" n'ont en réalité rien à voir avec la protection des biens, dénonce le New York Times dans un éditorial engagé, mardi 9 avril. Leur seul but est de maintenir les consommateurs dans l'obscurité, afin de s'assurer
qu'ils en savent le moins possible sur le fonctionnement sombre de
l'élevage industriel. Ces projets de loi sont poussés par le lobbying
intensif des sociétés de l'agrobusiness. A la place, nous avons besoin de lois qui garantissent notre droit de savoir comment notre nourriture est produite."
Son travail photographique s'articule autour de la mise en abîme
de la représentation d'un espace et de la frontière entre fictif et
réel. Ces dernières années, elle s'est interressée aux formes de
reconstitution artificielle de la nature dans des espaces
clos. Elle interroge le rapport de l'homme à la nature en photographiant
les différentes formes de scénographies mises en place dans les muséums
d'histoire naturelles, les jardins zoologiques, les espaces de loisirs à
vocation scientifique, ou les parcs botaniques.
« Le "secteur 545" désigne dans le pays de Caux les limites dans lesquelles
Pierre Creton, peseur au contrôle laitier, exerce son activité auprès
des éleveurs qui en font la demande. Au fil de ces rendez-vous réguliers,
des relations se nouent, et Pierre Creton se risque à poser certaines
questions, particulièrement celle-ci: entre l'homme et l'animal, quelle
différence ? La première surprise passée, les éleveurs se prêtent au
jeu. L'inattendu des réponses conjugué au regard de Pierre Creton nous
fait partager, entre autres choses tout aussi inattendues, un moment
d'humanité. »
« Pierre Creton est cinéaste et ouvrier agricole. Né en 1966,
il vit et travaille à Vattetot-sur-mer (Seine Maritime). Il a fait
ses études à la Villa Arson (Nice) et à l’Ecole
des beaux-arts du Havre. Il décide de rester en pays de Caux et de devenir
ouvrier agricole. Choisir une profession considérée comme en bas de l'échelle,
relève d'une volonté de vivre les choses comme elles viennent. Apiculteur,
horticulteur, saisonnier dans une endiverie, peseur au contrôle laitier, vacher,
sont les métiers exercés au fil de contrats et de licenciements.
De chaque expérience naît la matrice d'un film. Ainsi, Une saison
reflète la soumission exercée par son patron et ami Yves Edouard lors de son
contrat à l'endiverie. Mais il y a aussi un parallèle avec la fiction qui,
scénarisée, apparaît comme une hantise au trouble du réel. Ainsi dans Secteur
545, on peut voir le fruit de deux démarches : documenter le monde paysan
contemporain et témoigner du travail quotidien et un entrelacement avec une
fiction scénarisée.
Pierre Creton réalise ainsi tous ses films dans un territoire spécifique
: le Pays de Caux, en Haute-Normandie. Les diverses activités agricoles
qu’il y a exercées (apiculteur, ouvrier dans une endiverie, vacher
et peseur au contrôle laitier) ont régulièrement servi
de cadre ou de prétexte à ses films.
“Pour dire comment s’articule ma vie et ma pratique
de cinéaste, je voudrais citer Jean-Luc Nancy : Le paysan est celui
qui s’occupe du pays, et il n’est pas pour autant forcément
agriculteur. Un paysan est un ouvrier qui ouvrage le temps-et-lieu en même
temps que l’objet ouvragé. Et c’est ainsi qu’il peut
y avoir un paysan dans la pensée ou dans l’art : en tant que celui
qui ne produit pas seulement, mais qui d’abord cultive, c’est-à-dire
qui fait venir et qui laisse croître. Le paysan est aussi celui qui
n’est pas tout dans son travail, celui qui donne lieu et temps à
d’autres opérations que la sienne, à des mûrissements
et à des attentes, à de très anciennes mémoires
enfouies, à des croisements imprévisibles et à des virements
de ciel. (Au fond des images, 2003)”. (Entretien avec Cyril Neyrat pour
le Festival international du documentaire 2006).
Avec Vincent Barré (artiste, architecte de formation, professeur de sculpture
à l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris), Pierre Creton a co-réalisé
Détour suivi de Jovan from Foula et L’arc d’iris (souvenir d’un
jardin). »