http://www.youtube.com/watch?v=Nzq6A9WKpG4
(bande annonce)
Emmanuel Gras
capte à la loupe la vie de la vache, son moindre meuglement, le moindre
frémissement de son poil, parfois ses entrailles lorsqu’elle met bas.
Il cale sa caméra dans un mode focus extrêmement rapproché pour cerner
au mieux chaque étape de la vie d’une vache. Ce documentaire est ainsi
proche de l’expérimentation. Naissance, rumination, sommeil, découverte,
mise en camion pour l’étape ultime : toute la vie de la vache ici-bas
est retranscrite et, grâce et à travers elle, c’est toute la campagne
normande qui est célébrée. Ce jeune réalisateur, né à Cannes en 1976 et
parisien d’adoption, a réalisé différents courts-métrages : La
motivation ! en 2003, Une petite note d’humanité, Tweety lovely
superstar, et Soudain ses mains en 2008. Avec Bovines, il se démarque du documentaire classique par l’esthétisme exceptionnel qu’il apporte.
Premier gros plan sur une parcelle de
vache… La tonalité est donnée. La vache broute, rumine, elle ne fait que
ça à vrai dire. Elle regarde la caméra, elle soupire, elle a l’air
intriguée mais sans plus. Puis, c’est la vie du troupeau que la caméra
englobe : un groupe bien soudé, qui se lamente d’un départ vers une
dernière étape de vie, puis des identités prises à part : un veau qui
s’isole, une vache qui déguste une pomme, une autre qui lèche sa
semblable, une qui met bas ou qui renifle un sac en plastique égaré. Vie
et mort imminente, plaisir quotidien, tristesse, meuglements,
respiration nocturne, rien n’échappe au regard bienveillant d’Emmanuel Gras,
pas même le frémissement de l’herbe, le clapotis de la pluie dans une
flaque, le grondement de l’orage, autant d’occasions de plus pour filmer
de très près la vache mais aussi son environnement direct.
Blanches, au regard indéchiffrable mais
jamais méchant, tendres d’un coup de langue, désespérées d’un départ,
meuglant à la vie, à la mort, Emmanuel Gras filme ces bovines
dont on ne peut que plaindre la destinée tragique et trop vite rappelée
par cet étiquetage à l’oreille. Dans cette vie de vache paisible et
sans heurts, dénuée de toute violence et en accord avec la nature, c’est
le constat d’une douceur extrême et aussi d’une cruelle amertume sur la
destinée de cette bête.
Emmanuel Gras a bien le « savoir faire de cadreur orfèvre » qu’on lui attribue. Certains plans font penser à des tableaux de grands maîtres.
La campagne de Basse-Normandie est le terrain merveilleux où Emmanuel Gras
a choisi de poser sa caméra, et c’est ainsi un décor sans prix et d’une
beauté naturelle époustouflante qui est filmé : chant du coucou, ciel
nuageux et orageux, herbes folles et cousin géant. Le réalisateur joue
sur l’échelle de valeurs et de tailles. Cette immersion profonde dans la
nature, ce télescopage sur les pâturages, permet au spectateur
d’approcher des beautés sauvages qu’il n’aurait peut-être jamais eu
l’occasion de voir de si près. C’est une journée de la vie d’une vache
que l’on suit, dans son caractère répétitif et ses événements
perturbateurs, mais aussi une immersion dans la nuit pour assister à son
sommeil, capturée qu’est la bovine alors auréolée de blancheur.
Dur de mettre en scène des vaches, de
contrôler leur réaction, et aisé cependant de choisir un cadrage
adéquat, une mise en lumière particulière… Emmanuel Gras
a bien compris que l’enjeu et la qualité de son reportage se devaient à
son sujet mais aussi et surtout à la manière de l’exposer. Emmanuel Gras
a bien le « savoir faire de cadreur orfèvre » qu’on lui attribue.
Certains plans font penser à des tableaux de grands maîtres. Une pomme
qui tombe, une vache blanche qui avance perdue et minuscule dans la
cadre immense de la prairie, puis grossie exagérément en plan rapproché
de manière à voir son mufle, son regard ou ses pattes envahir l’espace
de l’écran. Emmanuel Gras
réussit un coup de maître, une esthétique sans défaut. L’absence de son
et de commentaire laisse l’entière place à l’image. Rien n’est à
laisser, pas même le « besoin naturel » du bovidé que l’on accueillerait
presque comme un élément supplémentaire de cette nature, de ce grand
tout ici célébré.
Bovines est un documentaire qui laisse parler la vache et la nature qui l’environne. Ces bovines nous apprennent d’elles-mêmes qui elles sont, qui elles aiment et où elles vivent. C’est captivant.
texte provenant du site : http://www.leblogducinema.com/critiques/critique-documentaire/critique-bovines/
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